Sophie Lannefranque
Dimanche 10 avril 2016 - Médiathèque de Blot-l'Eglise - à partir de 10h
puis Spectacle lecture musical - 18h - Saint-Hilaire-la-Croix
La naissance de l’écriture
par Sophie Lannefranque
Comme les indiens, je trouve la parole sacrée. Dire, se dire, c’est exister comme être « libre », au sein d’une communauté, la respecter, lui donner un sens, oeuvrer à son évolution, peut-être, en tant qu’acteur.
Agir avec sa parole, prendre la parole,
prendre part, parti
( prendre à parti ? ) pour participer.
L’ennui avec la parole, c’est qu’elle fuit, s’enfuit. Aussitôt dite, aussitôt enfouie. A peine avons-nous le temps de nous entendre, de nous comprendre. Les mots filent, obscurs, infidèles. Point d’arrêts sur langage.
Là où la parole se déballe, s’emballe, l’écriture repose, se pose et se laisse regarder jusqu’au fond des yeux. Tenir le livre, c’est avoir un temps infini avec l’écriture de son auteur, une vie même, si l’on veut, pour la déchiffrer, l’approfondir. Ce qui est écrit restera. Certes, on pourra trahir, interpréter, ramener à soi, fanatiser, réduire. Mais les mots demeurent, immuables, tels qu’ils ont été disposés un jour, comme les touches du pinceau sur le tableau.
J’aime ce geste inscrit dans la durée, courageux, dans un monde d’inventions à la vie courte et de remplaçants sur bancs de touche. A travers lui, je construis ma propre durée, mon propre temps, pour penser, ressentir, dévelpper un regard intérieur et subtil sur les évennements, pour mieux les raconter.
Cheminement
J'ai écrit pour le théâtre pendant 12ans.
Comédienne de formation, je ne pouvais concevoir la pratique littéraire sans l’incarnation des acteurs, les voix, la scène, la présence vivante d’un public. Depuis quelques années, je me tourne vers d’autres formes d’écriture (roman, conte, poésie, spectacles musicaux et chantés …) afin de multiplier les angles d’approche de la matière textuelle.
Je travaille à créer une langue singulière, indépendante, libérée des entraves du quotidien, puisant ses racines dans des sources plus larges et universelles. En écrivant, j’adopte une posture naïve, primitive, afin de me placer dans une posture de redécouverte permanente de l’existence, flux complexe, jamais identique. Je cherche, dans une certaine forme d’« ignorance » et d’éloignement, un nouvel espace imaginaire singulier, nettoyé, une autre qualité d’expression.
Je crois que le travail d’écriture doit combiner ordre et désordre, accidents et maîtrise, s’il veut rester vivant et se renouveler. C’est pourquoi je ne cesse de varier mes méthodes d’approche, mes axes de travail, tout en conservant un même centre, une même pâte toujours remodelée. Chaque texte est l’origine d’une expérience inédite que je m’attache à traverser de toutes mes sensations.
Musique
Je mène fondamentalement dans l’écriture une recherche musicale et sonore, afin que ce qui soit dit produise, chez ceux qui le lisent ou l’entendent, non seulement un sens, mais un impact physique, des résonances profondes.
Je m’attache donc à créer cette musicalité spécifique du texte à travers les sons, les rythmes, les vibrations et percussions des mots, au moyen des syllabes choisies, dans la durée des phrases, les échos, résonances entre elles, jusqu’à la ponctuation, qui induit une dynamique de lecture et de parole. Son et sens s’accompagnent ainsi, se croisent, se relaient, ouvrant le champ infini des possibles de la langue.
Sophie Lannefranque